{f-113.} I – Histoire de la Transylvanie depuis la conquête hongroise jusqu’à l’époque du premier établissement de colons allemands (895-1172)


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Les Hongrois, qui appartiennent à la branche ougrienne de la famille des langues finno-ougriennes, apparaissent dans l’histoire écrite de l’Europe à propos d’un événement qui mérite l’attention. Le khagan du puissant Empire khazar envoie une ambassade à la cour de Théophile, empereur de Byzance (829-842), afin de lui demander de faire construire une forteresse sur la rive gauche du Don, à la frontière de la «Turkia», qui commence sur l’autre rive du fleuve. C’est ainsi que Petronas spatarios et ses bâtisseurs construisirent en 833/834 la «forteresse blanche» de Šárkel qui permit de marquer la frontière khazare-magyare. On avait besoin de ce nouveau Šárkel, qui était un fort en briques, parce que la vraie «Forteresse blanche» (Tzimlianskoe gorodistche) bâtie, elle, en pierres blanches sur la rive droite du Don, avait été détruite, dans les décennies qui suivirent l’année 813, par les Magyars (Hongrois) et leurs alliés, les Khazars (Kabars), révoltés contre leur khagan.

Tandis que les tribus hongroises vivant sur les bords du Don avec, à leur tête, le prince Levedi reconnaissent encore l’autorité nominale des Khazars, d’autres tribus hongroises et leurs alliés turcs surgissent dans la région du Bas-Danube, à une distance de «60 lieues de marche» de Šárkel. Les Byzantins les mentionnent sous le nom de «turkoi», «hunnoi» et déjà d’ «ungroi» (vers 838). Cette dernière dénomination est le nom bulgaro-turc du peuple onogour, reporté sur les Magyars et qui a été conservé par les langues européennes jusqu’à ce jour (Ungar, Hongrois, Hungarian, Venger, etc.) C’est en partant du pays qui porte le nom composé turc-ancien hongrois d’Etelköz (Atelküzü = entre les fleuves; Constantin Porphyrogénète nous en communique l’étendue exacte: il s’agit de la région comprise entre les cours d’eau Seret-Prut-Dniestr-Bug-Dniepr) que «l’ennemi appelé Ungri»,*«Hostes qui ungri vocantur», Annales Bertiniani ad A. 862. GOMBOS, Catalogus… I. 111. traversant la chaîne des Carpates, lance sa première attaque contre la Pannonie carolingienne, et c’est à cette occasion qu’ils posent pour la première fois le pied sur la terre qui deviendra leur patrie. Selon des sources arabo-persanes des années 870, les Hongrois (Magyars, soit m.d¿.gh.r.), qui possèdent «de grandes étendues de champs de blé» et une armée de 20 000 cavaliers, ont à leur tête un chef principal (k.nde = kende/kündü) et un prince qui gère les affaires et les conduit dans la guerre (dź.la = gyula). Les Kabars «révoltés» contre les {f-114.} Khazars, qui se joignirent plus tard à eux n’étaient probablement pas encore du nombre des Hongrois. Au moment de l’attaque qui, en 881, les porta jusqu’à Vienne (Venia), les deux armées sont encore mentionnées séparément (Ungari et Cowari).

Ce que l’histoire hongroise appelle la conquête du pays s’ouvre sur le départ forcé des tribus de l’Etelköz et leur déplacement vers l’intérieur de la chaîne des Carpates. L’événement fut provoqué par une alliance contre les Bulgares que Niketas Skleros conclut pour le compte de son maître Léon VI le Sage, empereur de Byzance, avec les princes hongrois Árpád et Ku[r]san, dans la région du Bas-Danube (894). Les Byzantins transportèrent une forte armée hongroise conduite par Levente (en translittération grecque: Liunti[ka]), fils d’Árpád, sur l’autre rive du Danube. L’armée hongroise battit le khan bulgare Syméon qui se refugia dans ses places fortes les mieux protégées (Mundraga = Madara, puis Dristra = Silistra). Il réussit, dans cette situation précaire, à gagner à sa cause les Pétchénègues turcs qui étaient apparus depuis peu (893) dans le dos des Hongrois. Pris entre deux feux, ces derniers ne purent qu’avancer. Le résultat de cette double menace sera la conquête du Bassin carpatique.